jeudi 29 novembre 2007

Voler c'est mal (le voleur n'est pas celui que l'on croit)



Alors que la commission Olliviene vient de rendre son rapport, les critiques pleuvent sur le fond. Des économistes dissèquent méthodiquement la bête: ici, Mathieu P. (nous avons le même nom de famille, mais aucun lien) prétend être allé au delà de l’introduction. Conscience professionnel du blogueur, ou prétexte à assouvir un gout ce genre de lecture aride, a chacun de juger. Les Econoclastes se fendent de 2 billets dans la même soirée, la et la. Un juriste (la science lugubre n’est pas celle que l’on croit) aussi s’y met la, la. Les bobos revendiqués, comme les dieux tutélaires de la blogosphère s’y collent, la aussi.

Tout ca pour dire que je ne pense pas avoir grand-chose de constructif à ajouter sur le fond. Les mesures techniques proposées ne sont pas techniquement réalisable. Le rapport ne fait que défendre le statuquo, au nom d’arguments moraux (voler c’est mal) et de menaces d’extinction de la créativité (si vous continuez à télécharger, on ne vendra que de la soupe !) voir d’apocalypse culturelle. Passons sur « l’internet civilisé » du wannabe Poutine (discours ici). Les arguments économiques existent en faveur d’alternatives. Certains parmi les plus audacieux, suggèrent de laisser le marché s’organiser de lui-même. Les inconscients : il s’agit de culture tout de même! Alexandre Delaigue fait un parallèle avec l’industrie de la mode assez pertinent, illustrant le fait que des règles de copyright strictes et assez arbitraires ne sont pas indispensable à la créativité. Toujours est-il que le temps ou l’on osait rêver a une licence global semble bien loin. Ce rapport ressemble donc fort à une justification de la préservation des intérêts en place. Une partie des intermédiaires de l’industrie du disque avait sans doute son utilité dans un autre temps, celui ou internet n’existait pas. Depuis, la raison de leur existence, à part d’extraire une rente des consommateurs et des artistes, n’est plus aussi évidente.

Il est une chose que j’ai du mal à comprendre (plusieurs en fait) : Pourquoi créer une commission pour pondre ce rapport. Si le but était de trouver des gens à la solde de l’industrie du disque et de la distribution, l’assemblée en est pleine, les débats autour de la loi DADVSI on suffit à le prouver. En plus l’assemblée aurais pu servir de légitimation démocratique à ce rapport, et de garantie d’un semblant d’objectivité. Pourquoi choisir le patron de la FNAC, même les moins adeptes des théories du complot auront du mal à nier le conflit d’intérêt. La légitimité de ce rapport était donc mort-née. En tous cas j’attends avec impatience le rapport de la commission de Villiers sur la situation dans les banlieues.

dimanche 25 novembre 2007

Evolution des determinant des remises en Turquie

Dans ce papier de 2005, Aydas, Neypati et Metin-Ozcan se proposent d’étudier les déterminants macro-économiques des remises des travailleurs. Leur étude porte plus particulièrement sur le cas de la Turquie. Ce cas est intéressant pour plusieurs raisons. Premièrement, la Turquie possède des statistiques sur le montant des remittances depuis 1964, alors que pour la plupart des pays, ces données n’existent que depuis le milieu des années 70. Deuxièmement, la Turquie ayant eu une politique active d’envoi à l’étranger de travailleurs, il existe des données précises sur les contingents envoyés à l’étranger depuis au moins 1961. Troisièmement, les autorités Turques ont pris conscience très tôt de l’opportunité que pouvait représenter ces flots de devises, et ont essayées divers politiques pour les favoriser et les canaliser. Il est donc intéressant de voir si l’on peut isoler l’effet de ces politiques dans les données.

A partir du début des années 60, la Turquie a menée une politique de développement planifiée. Basée sur une industrialisation rapide, de grandes unités technologiquement avancée et très intensive en capital, elle a crée peu d’emploi. En parallèle la productivité du secteur agricole traditionnel a crue, diminuant l’utilisation de main d’œuvre. Le chômage dissimulée dans le secteur traditionnel a donc commence à apparaitre au grand jour. D’autre part cette politique d’industrialisation a rendu la Turquie dépendante de ses importations d’intrants et de technologie, et donc demandeuse de devises. La politique logique pour faire face à ces problèmes était d’exporter le plus possible de main d’œuvre en essayant de maximiser le flot des remises de ces migrants. Différentes politiques ont été mises en œuvre pour maximiser les remises : des taux de changes préférentiels, des taux d’intérêts élevés pour les comptes en devises… Les autorités ont aussi essaye de canaliser ces remises dans des activités productives et créatrice d’emploi, notamment en proposant des prêts en lire turque pour l’investissement garanties par des comptes en devises ouvert par les migrants.

Une étude économétrique est conduite avec une série de variables explicatives macro-économiques : le stock de travailleurs a l’étranger, le PIB pc Turque et un indice du PIB pc des pays de destination des migrants, la croissance du PIB Turque; Des variables monétaires comme le différentiel de taux d’intérêt, la prime au marche noir, la surévaluation réel, l’inflation domestique. L’analyse est conduite sur deux périodes : 1965-1993 et 1979-1993. Durant la première période, le niveau du PIB Turque est significatif et influe négativement sur le montant des remises, comme la prime au marché noir, tandis que la surévaluation influe positivement. Le fait que ces variables soient significative, et que le différentiel de taux d’intérêt ne le soit pas, indique que sur cette période les remises ont pour but de lisser la consommation et ne sont pas envoyées a des fins d’investissement. Néanmoins, le fait que la prime au marché noir soit significative et négative révèle à mon sens une faille dans l’étude: les auteurs analysent ce coefficient comme signifiant que le contrôle des taux de changes décourage les remises. Or, s’il est plus profitable de passer par le marché noir, il est possible qu’une partie des remises qui passaient par les canaux officiels se soient mise à transiter par des canaux non-officiels, qui par définition ne sont pas pris en compte dans les données. Le montant des remises pourrait donc être globalement inchangé, seules les modalités de transfert variant. Sur la seconde période, la surévaluation n’est plus significative, en revanche le montant des remises est positivement affecté par le PIB des pays de résidence des migrants, par le différentiel de taux d’intérêt en faveur de la Turquie, et négativement par la dummy représentant les années de gouvernement par l’armée et l’inflation. Ces résultats indiquent qu’après 1979, le montant des remises est influencé par les possibilités d’investissement, ce qui rend ces flux sensibles a la stabilité monétaire et politique.

Mon hypothèse pour expliquer le changement de nature des remises : les migrants étant établis depuis longtemps dans leur pays de résidences, nombre d’entre eux ayant pu faire venir leurs familles, ils n’ont plus à garantir le niveau de consommation de proches. Les remises changent donc de but, et deviennent un moyen de préparer un éventuel retour en investissement dans l’immobilier, en épargnant pour la retraite profitant des taux d’intérêts favorables pour les comptes en devise, ou faisant un investissement productif afin de se garantir un revenu une fois de retour. Cette étude démontre l’importance de la stabilité politique et économique, ainsi que d’une politique de change transparente pour attirer les remises a but productifs, plus a même de contribuer a une croissance de long terme que les remises destinées a lisser la consommation.

Et vous, qu’en pensez vous ?

jeudi 15 novembre 2007

Les jeux sont faits


Scène totalement surréaliste hier sur les écrans Danois. Il est environ 11h30, les estimations se transforment de plus ne plus en résultats définitifs. La coalition VKO (Venstre, Konservative, Dansk Folkeparti) est créditée de 94 sièges, les 89 des partis susnommés, et les 5 obtenus par Ny Alliance. Le Folketing réuni 179 députes, 175 du Danemark, 2 des Iles Féroé et 2 du Groenland. La majorité absolue est donc atteinte à 90 députés. Rasmussen est donc reconduit pour un troisième mandat.

Il est 11h30 donc, et les leaders des partis politiques en lice se retrouvent tous dans une salle, sagement assis en demi-cercle face a deux journalistes. Opposition et majorité, de la modérément extrême gauche à l’extrême droite. Ils sont la pour discuter de la formation de la coalition, des choix politiques et tirer un bilan de la campagne. M’imaginant Besancenot, Royal, Sarkozy, Le Pen, De Villiers, Bayrou réunis dans une même pièce, je m’attends à une boucherie sans nom, un pugilat. Le genre de situation ou la seul chose à même de ramener l’ordre est un peloton de CRS et des gaz lacrymogènes. Que nenni, la discussion est très civilise, quelques tension et inimitiés sont apparentes, et d’après mon interprète quelques vacheries sont échangés, mais la parole de chacun est respectée.

Rasmussen commence par tirer un bilan de la campagne, et annonce sa volonté de créer une coalition VKO avec Ny Alliance en plus. Sans surprise. Les conservateurs et le Parti du Peuple Danois (PPD) annonce leur soutient a cette coalition. Puis vient le tour de Nasser Khader, qui avait déclaré il y a quelques jours soutenir Rasmussen. Le voila qui suggère au premier ministre d’aller demander le soutient d’un élu des colonies territoires d’outre-mer, afin d’atteindre les 90 députés. Les négociations sont en cours pour composer la coalition, mais il est clair que La Nouvelle Alliance a montrée qu’elle sera au mieux un allie difficile. Venstre, le parti de Rasmussen est sorti affaibli de ces élections, perdant quelques sièges, alors que le grand gagnant de la soirée est le PPD qui se trouve en position de force pour imposer ses orientations au nouveau gouvernement. L’autre grand gagnant de la soirée sont les Iles Féroé qui ont rappelées au monde entier (au Danemark entier en tous cas) qu’elles existaient.

lundi 12 novembre 2007

stemmeafgivning dag


Ca y est, c’est demain le grand jour. En seulement trois semaines de campagne intenses, beaucoup de sujets ont été évoques. Principalement autour de l’état providence, des taxes et du système de sante, tous n’est pas rose dans le tant fantasmé Model Danois. Mais aussi le bilan d’Anders Fogh Rasmussen, l’Irak, Le traite européen et l’opportunité de soumettre sa ratification a référendum. La question de l’islam et de l’immigration, allégrement amalgamée au terrorisme pour l’occasion, a été très présente dans les débats, portée par le Parti du Peuple Danois (Dansk Folkeparti). Le premier ministre sortant qui avait une bonne longueur d’avance dans les sondages lorsqu’il a convoque les élections se trouve dans une situation beaucoup moins confortable. Son parti est au coude à coude avec les sociaux démocrates. Il pourrait se trouver dans la situation de devoir tenter de créer une coalition avec le Dansk Folkeparti (le FN local, d’aussi bon gout) et les centristes de Ny Alliance, ce qui serait pour le moins instable. Le nouveau parti centriste qui était parti haut dans les sondages semble faire long feu. Son leader, Naser Khader a annoncé hier que son parti soutenait Rasmussen comme candidat au poste de premier ministre. Toute la subtilité est dans le candidat. Il implique qu’ils n’accepteront pas la reconduction de la coalition sortante, mais la négociation d’une nouvelle coalition emmené par Rasmussen. A ma gauche, Helle Thorning-Schmidt, autre candidate au poste de premier ministre, susceptible de conduire une coalition mené par les sociaux démocrates. Ce serait la première femme premier ministre au Danemark. Les derniers sondages (la et la) laissent présager d’une soirée électorale intense.

Pour ceux qui ne se sont pas encore demande quel intérêt avait les élections dans un pays équivalent en taille et en population à Rhône-Alpes, en supplément voici un petit exposé du système électoral. Le Danemark est une démocratie unicamérale, les représentants y sont élus au scrutin proportionnel. Les choses se compliquent. Il y a deux niveaux pour la distribution des sièges. Au niveau local, le pays est divisé en 17 circonscriptions électorales, se partageant 135 sièges. Tous les 5 ans les 135 sièges sont repartis entre les circonscriptions selon la somme de trois facteurs : La population, le nombre d’électeurs et la superficie du district multiplie par 20. C’est l’avantage d’avoir une règle simple et consensuel de répartition des sièges, ca évite des élections inconstitutionnelles. A l’issue du vote, les sièges sont repartis selon la formule de Sainte-Laguë, suffisamment complexe pour vous faire regretter le scrutin uninominal à 2 tours. 40 sièges de plus sont distribues au « niveau national », qui divise le pays en trois régions ad-hoc. Ces sièges sont repartis selon la méthode des quotas de Hare. Au moment de voter, l’électeur choisit un parti ou un candidat nominalement. Une fois les sièges repartis au sein des circonscriptions, il y a encore quelques procédure compliques pour déterminer le nom du postérieur qui aura l’honneur du Folketing. Pour les masochistes et les juristes, la procédure en détail ici

vendredi 9 novembre 2007

Le grand soir, jusqu'au prochain


Je sais que quand j’aurais appuyé sur post, je serais passé officiellement du cote des réacs, des stal et des vieux cons. Moi qui suis encore si jeune. Je dois avoir perdu la flamme. On fait grève pourquoi cette fois ? Ah oui, un gouvernement essaye de passer une loi sur l’université. Je suis globalement assez d’accord avec Versac et il le dit mieux que je ne le ferais.

C’est vrai que c’est un scandale de ne pas pouvoir trouver de boulot avec une licence de socio de Nanterre. Ce n’est pas l’université qu’il faut adapter à la société. C’est la société qu’il faut transformer. Mais c’est vrai que trouver un boulot, un travail productif, c’est devenir complice de nos exploiteurs, victime consentante du system capitaliste. Non au travail, la société nous doit la liberté, sans contrepartie. Qui va payer ? Le bourgeois évidement.

Je suis allé faire un tour sur indymedia (oui, j’aime me faire mal !) Extrait d’un commentaire parmi d’autres : Quant aux étudiants qui veulent continuer les cours qu'ils aillent se faire pendre. Ils ont peur de perdre une année, de ne pas réussir. Mais c'est quoi réussir ? Avoir un gros salaire et devenir l'enculé qui sert de Kapo au patronat et qui fait chier le prolétaire parce qu'il n'est pas assez rentable. Soutiens aux étudiants insurgés. Non à la privatisation. Notre vie nous appartient. On notera en ouverture cette déclaration d’amour à la démocratie. Pas pu m’empêcher de penser à Mohamed, copain Malien rencontre à Jussieu. Distribution de Metro le matin, cours la journée, gardien de nuit la nuit. Tu en reprendras bien une année Mohamed, pour le prolétariat, pour la justice social. De toute façon tu espère quoi en étudiant. Devenir riche et passer du cote des encules de patron.

Vous espérez quoi, franchement. Ce n’est pas une liberté que d’étudier dans nos facs pourries. Ce n’est pas une liberté que de pouvoir étudier une discipline dont jamais on ne pourra se servir, ni pour soi ni pour la société. Il y a un moment ou il faut arrêter de se branler avec ses utopies, se demander comment on transforme ses idéaux en réalisations concrètes. Arrêter de croire que tous ceux qui ne sont pas d’accord ne sont que des cons de fachos.

Vive le DDT


En complément de mon précédent post, trouvé via le PSD blog de la banque mondiale, Mosquitoes, The long-term effects of malaria eradication in India. Les auteurs analysent les effets en termes d’alphabétisation et d’achèvement d’une éducation primaire d’une campagne d’éradication de la malaria. Cette étude utilise une base de données indienne impressionnante. Regroupant district par district (plus de 400) différents proxy du taux de prévalence de la maladie, son type (endémique ou épidémique), ainsi que de nombreuses informations au niveau micro sur la population. Les districts sont repartis en trois groupe en fonction de leur exposition a la malaria, la population en deux catégories, ceux nées avant la campagne d’éradication, et ceux nées après la fin de celle-ci. Arguant du peu d’effet de la malaria en zone urbaine, ils font de ces populations le groupe témoin.

Les taux d’alphabétisation et d’éducation primaire sont supérieurs de 12% pour les personnes nées après la campagne d’éradication par rapport aux personnes nées avant. Sur ces 12% la moitie peut être expliquée par la quasi-disparition de la maladie. Plus intéressant, en assumant un taux de retour de 10% pour l’éducation primaire, ce qui est dans la partie basse de la fourchette habituelle, la malaria réduit le revenu de 7 a 10%, et ce uniquement par le biais de l’éducation.

Les auteurs y voient un lien causal important entre sante publique et croissance économique. On peut y ajouter l’effet sur la productivité des travailleurs, le taux de participation au marche du travail (il faut quelqu’un pour faire le garde malade) et d’autres. On voit la qu’il y a probablement un lien fort entre sante publique et croissance.

Une critique tout de même. Singhal et al ecrivent: These results suggest that the gains observed in the rural sample are not due to overall economic improvements in malarious areas that are unrelated to the eradication campaign, since such improvements would have most likely affected both rural and urban areas”. C’est sur cette affirmation que repose l’utilisation de la population urbaine comme groupe témoin. Je la trouve discutable dans la mesure où à peu prés au même moment, l’Inde faisait sa révolution verte. Les rendements agricole ont augmentes, la production est devenue plus régulière, ce qui a des effets directs sur la sante des populations rurale. On peu aussi imaginer que la mécanisation a permis de libérer de la main d’œuvre, notamment les enfants, des taches agricoles pour leurs permettre de se consacrer a l’école. Rien n'est simple...

mardi 6 novembre 2007

Malaria


Médiatisé par la fondation Gates, et relayé par the economist, un nouveau type de vaccin est annoncé, et l’espoir de parvenir à l’éradication de la maladie renait. Beaucoup d’économistes se sont penchées sur les effets de cette maladie. Tous les articles traitant du sujet ne manquent pas de relever quelques chiffres frappant : le PIB per capita est en moyenne 5 fois moins élevé dans les pays touchés par la malaria que dans les pays épargnés (ici), les taux de croissance seraient inferieurs de 0.25% a 1.3% par an. Comme l’explique Sachs et Malaney, la corrélation la causalité pourrait aller dans un sens (pauvreté cause malaria), après tout des pays comme Singapour, en zone tropicale se sont débarrassé du fléau. La causalité pourrait être contraire, la malaria causant la pauvreté, mais comment expliquer que des pays en zone tropicale aient réussi à sortir de la pauvreté. Enfin la causalité pourrait être dans les deux sens, les pays pauvres étant enfermés dans un cercle vicieux. La pauvreté empêchant de juguler la propagation de la maladie, le développement de la maladie empêchant alors le développement économique.

Les effets sur le développement du capital humain sont dévastateurs. La scolarité et le développement des enfants est très affecté, la productivité des adultes aussi. Or ces facteurs sont déterminants pour établir une croissance de long terme. La lutte contre la malaria est un objectif rentable pour l’aide international, les gains sanitaires et économiques pour le bien être des populations touchées pourraient être immenses. D’autant plus que les religieux de tous bords ne s’opposent pas au port de la moustiquaire. On se prend a rêver d’une grande mobilisation mondiale. L’article de the economist conclut par une estimation du cout de l’éradication de la malaria : 9Mi$ sur 20 a 30 ans. Combien de concerts de Bono pour sauver l’Afrique ?

vendredi 2 novembre 2007

Les remises: une source de croissance pour les PVD?

Pourquoi les travailleurs migrants renvoient ils de l’argent dans leur pays d’origine ? Il est pertinent de choisir la famille comme unité d’analyse ce phénomène, afin de tenir compte du fait que les relations entre les individus d’une cellule familial ne sont pas les mêmes qu’entre des agents sur un marché concurrentiel. Dans une perspective dynamique, la famille partage les couts et les bénéfices de la migration. Elle voit l’un de ces membres, souvent parmi les plus productif, partir. Elle investit beaucoup de son capital, par définition très limité, dans la migration. Beaucoup de la littérature introduit le concept d’altruisme : l’utilité du migrant dépend aussi de l’utilité de sa famille. Au delà d’un certain revenu, son utilité marginal est plus importante en envoyant de l’argent pour qu’il soit consommé par sa famille dans son pays d’origine que en consommant cet argent lui-même. La migration internationale coute très cher. On peut donc aussi voir la famille comme un investisseur utilisant son capital pour envoyer l’un des siens a l’étranger. Les remises seraient donc considérées comme le fruit de cet investissement. D’autres hypothèses considèrent les remises comme une diversification de portefeuille, le migrant plaçant une partie de ces revenues dans son pays d’accueil et une autre partie dans son pays d’origine.

Les études empiriques sur l’utilisation des remises montrent toutes le même résultat. La majeur partie des remises est utilise pour la consommation, et a une moindre échelle en épargne et investissement. Mais les investissements réalisés ne sont généralement pas des investissements productifs, ils se concentrent surtout sur l’immobilier. Le bien être et les actifs de la famille se trouvent donc augmenté, mais il n’est pas évident que toute l’économie du pays d’origine en profite. Certains auteurs mettent en avant l’existence d’un effet multiplicateur Keynésien de la consommation, mais il n’existe pas de preuve d’un impact des remises sur la croissance de long terme.

Chami, Fullenkamp et Jahjah (2005) proposent un model dont l’unité de base est une famille a deux individus, l’un migrant et l’autre restant dans le pays d’origine. Les hypothèses de base sont assez classiques, mais les auteurs ajoutent quelques spécificités. Le migrant a une fonction d’utilité incluant un certain degré d’altruisme. Il y a asymétrie d’information entre le migrant et le récipiendaire, et entre le récipiendaire et la firme dans le pays d’origine. La firme choisit un niveau de revenue haut ou bas, et ce niveau est choisit en fonction de l’espérance du niveau d’effort du travailleur dans le pays d’origine. Ce model montre que les remises se comportent comme un revenue substitution, les transferts augmentant quand le revenu diminue. Il existe donc un Alea moral pour le travailleur récipiendaire, qui va imposer une externalité négative à la société. Celui-ci étant risque averse, il préfère un revenu garanti, le transfert, à un niveau de revenue non garanti et liée à son effort. Dans ce cadre théorique, une étude économétrique montre une relation négative robuste entre croissance du PIB et croissance du niveau de remise. Les remises seraient contra-cyclique, ce qui est cohérent avec leur rôle de revenu compensatoire. Cette corrélation entre remises et croissance du PIB implique qu’il faut utiliser des techniques économétriques un peu plus subtiles pour démêler tout ca et établir une causalité. Les auteurs utilisent la techniques des variables instrument et établissent une relation robuste : les remises ont un impact négatif sur la croissance.

Il est frappant de constater que l’une des sources de capitaux les plus importantes pour les pays en voie de développement aient un effet négatif sur leur développement. D’autant plus que plusieurs études montrent que d’autres flux de capitaux, notamment IDE, ont un effet positif sur la croissance. De part leur nature même, il n’est pas évident qu’il existe des politiques permettant de modifier l’effet de ces remises sur la croissance. Les pays en développement n’ont pas les moyens fiscaux de modifier les incitations sur l’utilisation de cet argent, pour promouvoir l’investissement productif ou dans le capital humain. L’un des leviers d’action possible serait de réduire l’asymétrie d’information entre le migrant et sa famille afin que celui-ci puisse lui-même conditionner le montant transfert à leur utilisation.